Laissez-moi vous conter l’histoire du Paradigme de la ferrure.
Il était une fois trois singes de la tribu de la « Connaissance » en quête de savoir.
Au détour d’un chemin, ils rencontrèrent la horde des chevaux appelée les « Ferrés ». Ceux-ci ne marchaient pas pieds-nus !
Quelle ne fut pas la surprise de nos trois singes !
Le premier de la Connaissance demanda : « Quelles sont ces choses que vous avez sous vos pieds »
Un Ferré répondit : « Je ne sais pas »
Le second questionna : « Pourquoi avez-vous cela sous vos pieds ? »
Un autre Ferré dit : « Je ne sais pas non plus »
Le dernier Connaissance demanda : « Depuis quand avez-vous cela ? »
Un vieux cheval rétorqua violemment : « Arrête tes questions ! On a toujours eu ça ! c’est comme ça et pas autrement ! »
Les trois Connaissance furent surpris et étonnés. Eux, n’avaient rien sous leurs pieds !
Chemin faisant, ils se mirent en recherche de nourriture. C’est connu, les singes aiment les bananes.
Vint la rencontre des singes de la tribu des « Racines » car ils mangeaient des racines.
Les Racines vivaient dans un endroit où les bananiers étaient abondamment couvert de bananes.
Les trois Connaissance se précipitèrent pour manger des bananes mais …la tribu des Racines les en empêchèrent en leur disant très très fort : « faut pas y aller, faut pas y aller ! ». Mais personne ne savait pourquoi.
Dépités et n’aimant pas les racines, ils s’en allèrent.
Enfin, ils virent un vieux singe aux poils blancs et la barbe très longue, seul sous un bananier.
« Bonjour vieux singe » dirent les trois Connaissance.
« Bonjour » répondit le vieux singe.
« Savez-vous pourquoi la horde des Ferrés ne marche pas pieds nus ? » demandèrent les Connaissances.
« Oui » répondit le vieux singe.
« Savez-vous pourquoi la tribu des Racines ne mange pas de bananes ? » demandèrent les Connaissances.
« Oui » répondit le vieux singe.
Et il leur raconta ses souvenirs.
« Un jour je me suis enfui d’un laboratoire où la tribu des « Idiots » nous avait enfermé pour faire des expériences.
Un groupe de la tribu des Idiots plaça cinq singes de la tribu des « Normaux » dans une pièce au milieu de laquelle se trouvait un escabeau permettant d’accéder à des bananes.
La première fois qu’un des Normaux essaya de grimper à l’escabeau, les Idiot arrosèrent les autres singes avec de l’eau glacée.
A chaque fois, qu’un Normaux s’approchait de l’escabeau, les Idiots arrosaient les autres singes avec de l’eau glacée.
Au bout d’un certain temps et à chaque fois qu’un des Normaux essayait de monter sur l’escabeau, les autres le frappaient par crainte de prendre une douche glacée.
Bien entendu, au bout de quelques temps, aucun des Normaux ne se risqua à grimper sur l’escabeau malgré la faim.
Les Idiots décidèrent alors de remplacer les Normaux. Pour commencer, un seul Normaux de la tribu fût remplacé par un nouveau. La première des choses que fît le nouveau fut d’essayer de monter sur l’escabeau. Aussitôt, les autres le frappèrent.
Quelques jours plus tard, le nouveau membre de la tribu avait appris à ne plus grimper sur l’escabeau sans même connaître la raison de cette interdiction.
Un deuxième Normaux fût remplacé et subit le même sort que le premier. Ce dernier se joignit aux autres pour le battre dès qu’il tentait de grimper sur l’escabeau.
Bien entendu, le Normaux arrivé juste avant lui participa à la punition… avec enthousiasme, parce qu’il faisait désormais partie de « la tribu ». La nouvelle tribu des Racines !
Un troisième Normaux fut échangé et le processus se répéta. Le quatrième et le cinquième furent changés tour à tour. Tous subirent le même sort dès qu’ils tentèrent de grimper sur l’escabeau.
Le groupe des cinq Racines, bien que n’ayant jamais reçu de douche froide, continua à frapper tout nouvel arrivant qui tentait de monter sur l’escabeau.
À ce stade, les Normaux qui agressaient n’avaient aucune idée de pourquoi ils n’avaient pas le droit de grimper l’escabeau. Pas plus qu’ils ne savaient pourquoi ils participaient à l’agression du dernier arrivé.
Au final, après avoir remplacé tous les Normaux d’origine, aucun d’entre eux présent dans la pièce n’avait été arrosé d’eau froide. Cependant, aucun ne tenta de grimper l’échelle. Pourquoi ? Parce que dans leur esprit… “Je ne sais pas, mais ici c’est comme ça.”
Ce n’est pas parce que nos pratiques se répètent qu’elles sont justifiées. L’observation, la compréhension, le questionnement et la recherche nous toujours font progresser.
Source : http://www.republicain-lorrain.fr/actualite/2015/03/14/trois-petits-singes
« Ne rien vouloir dire de ce qu’on sait pour ne pas prendre de risque, ne pas vouloir voir ce qui pourrait poser problème, et ne pas vouloir entendre pour pouvoir faire comme si on ne savait pas. »
« Ils ne savaient que c’était impossible, alors ils l’ont fait. » Mark Twain (1835-1910)
Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existées est purement volontaire … Oups ! … est purement fortuite bien sûr …
Source : Stephenson, « Cultural acquisition of a specific learned response among rhesus monkeys », Progress in Primatology, Stuttgart, Fischer, 1967, p. 279-288
Pierre Bahette – Mai 2017
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